Un premier album en français, une love story universelle sur fond de musique 8-bit, une poésie frontale. Un disque audacieux complété d'un projet multimédia et d'un court métrage tourné en 360° et son binaural. Soit une immersion totale dans l'image par caméra subjective, couplée à un son "3D". Exploser les cadres pour traduire le tourbillon des jeux amoureux, c'est plus que du cinéma. Et c'est une première en France. Chanceux ? Non, Jil est ambitieux.
A travers l'héroïne Manon, l'auteur décline la figure emblématique de la Lolita, "ce genre de femmes fatales qui vous détruisent du jour au lendemain". La sienne est croquée sous les traits d'une jeune djette parisienne franco-japonaise, clubbeuse et branchée, dont le narrateur tombe fou amoureux dès leur première rencontre dans le club où elle mixe tous les soirs de la chiptune music. Au fil des onze chansons, Jil écrit les chapitres d'un duo à la dérive : à travers cette Manon qui "cachait ses idées noires sous un carré blond", il est question de l'âme sœur qui a foutu le camp, des nuits sans sommeil, des humiliations et des lâchetés, de celles qu'on accepterait si elle revenait.
Esthétique kawaii, Hello Kitty en bas résille, le monde de la nuit au format 8-bit - "une musique à la fois désuète et éternelle, jouée sur de l'électronique passée d'âge" - en guise de décor de cette romance électro-pop-rock. Pour mettre en musique cette vertigineuse valse à contretemps, Jil a opté pour une dualité entre de luxuriants arrangements de cordes et de cuivres et des sons de jouets tirés d'un computer Commodore et d'une Game Boy. Entre le monde des adultes et des terrains de jeux plus infantiles. Voix au premier plan, terriblement présente dans son dénuement - "Je raconte une histoire au creux de l'oreille" -, mélodies électro-folk et tourbillons de violons, l'homme se met à nu mais promet toutes les richesses du monde.
Passionné de Rimbaud et de poésie, Jil savait qu'il se lancerait, un jour, dans l'écriture en français. "Je voulais qu'on ait la sensation d'un langage direct, passer d'images brutes à des métaphores poétiques". Plus qu'un exercice de style, l'écriture dans la langue maternelle répondait au besoin de plonger, comme le narrateur, dans cette "descente aux enfers passionnels". Les histoires d'amour finissent mal en général, paraît-il. Celle-ci accouche d'un album plein d'humanité.