Une Chapelle anti-chapelle musicale. Tel est le club fantasmé par trois amis passionnés de musique. Le rêve est devenu réalité le 1er décembre 2014, lorsque François Maincent, André Brodzki et Jérémy Ergisi ont racheté la Chapelle des Lombards. Le nom prête à confusion : une chapelle qui n'en est pas une, située non plus rue des Lombards mais rue de Lappe... Les trois actionnaires n'étaient même pas des habitués dans l'ancien temple de la nuit tropicale parisienne - créé par Jean-Luc Fraisse en 1978, un fondu de musiques afro-caribéennes, qui y invita tous les grands salseros de la Fania All Stars -, mais tombèrent amoureux de ce "superbe écrin à taille humaine", d'une jauge de 160 places à l'acoustique impeccable. Ils n'avaient qu'une idée en tête : le concept de "live roots music" : "Nous avons choisi de nous orienter vers les musiques "roots" ou "à racines", c'est-à-dire à fort ancrage culturel et social", résume François. Toutes ces bandes-son des sociétés. "Nous avions aussi l'obligation d'être en adéquation avec notre "partie" discothèque, ce qui implique de ne pas programmer un concert de hard rock jusqu'à 22h avant d'aller danser sur du zouk ou du kompa ! Enfin, nous nous sommes rendus compte que certaines musiques étaient orphelines d'un lieu de diffusion à Paris, comme le fado ou le flamenco, même s'il existe pour quelques lieux historiques mais pour aficionados", renchérit André Brodzki.
Live bands, Lappe dance
Ces deux-là connaissent la chanson. Actuellement chargé des partenariats du Zénith de Paris, André a œuvré dans la presse (Best, l'émission Fréquenstar sur M6), avant de gérer le Bureau artistes de Gibson durant seize ans. François, lui, a travaillé dans l'édition musicale puis a lancé sa structure de vente d'instruments de musique, dont les guitares Clayton. Rodés au business de la musique, "nous savions que le live est une activité à risque, mais la discothèque représente une loco- motive, qui nous confère un certain confort le temps que les concerts soient rentables et que nous soyons de nouveau identifiés comme un lieu de live car l'ancien gérant ne faisait que du club", explique François. A la Chapelle, on commence par danser lors des "Apéros-Live" de 19h30 à 22h30, avant de descendre se défouler en discothèque, du mercredi au dimanche, de 23h à 5h du matin (6h le week end). A la Chapelle, on programme des "musiques chaudes", du zouk au dancehall, de la fusion jazz africaine d'Idrissa Diop au R&B de Napoleon Murphy Brock, le saxophoniste de Frank Zappa. Pas de cover bands, "pas de rock, de pop ou d'électro, nous avons même refusé de programmer Dr Feelgood car cette affiche s'éloignait trop de notre ligne artistique", rappelle André.
Du live rue de Lappe, ex-berceau du musette transformé en rue de la soif pavée de bars à sono vrombissante, vomissante de bpm, ligne plus très droite aux happy hours... Un pari audacieux et relevé avec exigence, les actionnaires ne transigent pas sur la qualité de leurs affiches, sans tomber dans la folie des grandeurs. Les musiciens ne s'y trompent pas et passent régulièrement lors des jam sessions, à l'image d'Axel Bauer, Joseph Chedid, alias Selim, et du guitariste Eric Sauviat. Le nouveau spot des mélomanes et des musiciens, chouchoutés : "Quand les artistes se sentent bien accueillis, leur plaisir est contagieux sur scène", assurent-ils.
CBGB plutôt que BCBG
La contagion pourrait se propager sur d'autres scènes, les trois amis cherchant à ouvrir une nouvelle salle de concerts, "plus grande, dévolue au rock et au live uniquement, un sorte de club à la CBGB", détaille François, qui se rappelle avec émotion de son passage en 1992 dans le fief du punk-rock new-yorkais. En attendant, c'est à la Chapelle que s'écrit leur histoire, à grands coups de cœur. A l'unisson, André et François évoquent les nombreux passages de James & Black Fiesta, un duo texan de "gorilla soul" : "Lui est un mélange de Dr John et de Joe Cocker, avec un toucher hallucinant aux claviers ; elle une sorte de réincarnation de Nina Simone !", s'enthousiasme André, qui les accueillera à nouveau le 7 juin. La discussion s'anime sur leurs rêves de programmation, François lorgne les rives du world jazz de Manu Dibango, rencontré lors d'une soirée africaine dans sa Chapelle, André ne ferme pas la liste : "Avoir une super star qui vient à l'improviste faire un bœuf, ça relève du rêve, mais ça peut arriver...", conclut celui, qui, du temps de ses années chez Gibson, a parfois été crédité sur les albums de... Iron Maiden ! Non, vous ne rêvez pas.
Un article à retrouver dans notre magazine de juin.
La Chapelle des Lombards - 19, rue de Lappe 75011